En cette année
3100, Il nous a semblé intéressant de publier ce récit d'un auteur inconnu,
parce qu'il donne un aperçu assez saisissant du mode de vie des hommes, au
siècle précédent , si différent de notre vie d'aujourd'hui.
Nous avons
demandé à Inès N., historienne, renommée pour ses travaux sur cette période, de
bien vouloir rédiger quelques notes pour éclairer le lecteur, sur certaines
notions, sur des structures sociales et des mœurs qui pourraient lui paraître
obscures.
La plupart des
connaissances que nous avons actuellement sur ces périodes de l'histoire
humaine, proviennent des documents numérisés découverts lors de l'expédition
Satellius, dont l’objectif était la récupération de satellites “historiques”
perdus par les générations précédentes.
L'EDITEUR
“L’éthique du Commissaire a encore à apprendre
que dans l’organisation sociale
l’individu figure à la fois le zéro et l’infini.”
Arthur KOESTLER
MF-76-09-75-106.287-70,
(Yann pour les copains) rentra chez lui par l'autoslip direct et le liftway
diagonal 23.
Il regagna sa capsule individuelle, parallélépipède à coins
arrondis de 12 m2, identique à toutes les autres, située dans le Bloc 1025, au
52ème étage de l'aile Est du TERMIT 103 .
Yann a terminé sa journée de Temps Collectif , c'est-à-dire qu'il
a répondu à l'appel d'une dizaine de robots contrôleurs lui signalant par
visiocom direct des probabilités d'anomalies dans le fonctionnement de
l'autoslip desservant le Bloc 7000.
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Déjà, à cette époque, on ne parlait plus
de "Travail", cette notion surannée qui évoque la peine et la sueur
des sociétés révolues. "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton
front", disaient des anciennes Écritures . Mais il y avait encore ce qu'on
appelait "le Temps Collectif", appelé ainsi parce ces quelques heures
parfaitement réglementées étaient consacrées au
fonctionnement et au bien-être de la collectivité.
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Bon technicien, Yann procéda aux vérifications, réglages et
réparations des robots contrôleurs de sa zone, dans les 3 heures réglementaires
de son Temps Collectif.
Comme il était consciencieux et qu'il aimait sa spécialité, il
dépassa même de 5 minutes son temps réglementaire, pour achever une petite
réparation , ce qui était plutôt mal vu de son Syndicat .
Enfin, il était chez lui !
La capsule de Yann était confortable, sans aucune ouverture sur
l'extérieur, avec son bloc media multi-sens très complet et très perfectionnée.
Il avait ainsi le monde entier à sa portée, ainsi que toutes les distractions
élaborées et transmises par les
soins de la Planification
du Temps.
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L'explosion démographique anarchique qui
a marqué la fin du XXI° Siècle, avant l'établissement des Reproducteurs
Autorisés, dans tous les régimes politiques de la planète, a mis fin au concept
"d’'immeuble", de "maison", et au mode de construction
pratiqué dans les années antérieures.
A partir de cette période, quelques
usines automatiques fabriquaient des "unités logements” individuelles,
équipées, juxtaposables, dénommées "CAPSULES", identiques pour tous
les habitants de la planète.
Ces "CAPSULES"- ou plus
couramment "Caps"- intégraient les trois éléments vitaux fondamentaux
: sani-couchage, alimentation et
media multi-sens, ce qui pouvait permettre à un individu de passer toute
son existence dans sa “Caps” sans être contraint d’affronter “matériellement”
le monde extérieur - lequel, d’ailleurs n’avait déjà plus qu’un intérêt
utilitaire !
Un ensemble de "Caps"
enclenchées les unes aux autres, suivant une conception architecturale
pyramidale relativement uniforme, formaient un "TERMIT" qui pouvait
s'apparenter à l'ancien concept "d'immeuble".
En réalité, les "TERMITS"
étaient eux-mêmes tellement imbriqués les uns dans les autres, que les Cités
avaient l'apparence d'un tissus urbain continu, innervé par les artères de circulation et les gaines de distribution des
fluides.
La disparition de l'ancienne structure
sociale dite "familiale" (vers l'an 2060) avait accéléré ce processus
d'habitat.
Bien entendu, chaque individu, en
tant “ qu'’unité sociale", avait droit à sa "Capsule", sur
présentation de son certificat d'Intello-Conditionnement Universitaire. Il
semble, toutefois, que de nombreux membres de la Nomenklature du Parti se
faisaient attribuer deux ou trois "Caps" standards emboîtées en parallèle.
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Yann prononça le mot: ÉCRAN et, aussitôt tout le petit côté de sa
capsule opposé au sas d'entrée s'éclaira d'une luminescence bleutée.
Il passa dans la cabine sanitaire où, en quelques instants, il fut
lavé, brossé, massé, désinfecté. Il jeta un coup d'œil distrait à l'écran de
son bilan médical permanent et il s'affaira à mettre de l'ordre dans sa
capsule, car il avait convié la fille de la capsule 6375 du Bloc 1027 du même
plan à venir faire l'amour et à vivre avec lui le 2324 ème épisode du
self-feuilleton du canal 47.
Yann était impatient de savoir ce qu'elle penserait de sa version
de l'histoire et si elle serait d'accord pour faire évoluer le scénario dans le
même sens que lui.
Cette fille était immatriculée FF-77-08-75-229.324-70, ce qui signifiait qu'elle avait un
an de moins que lui et qu'elle était classée : Chômeuse Institutionnelle, comme
d'ailleurs la plupart des gens qui habitaient ce TERMIT, mais il ne connaissait
pas son nom.
Yann l'avait rencontrée quelques jours auparavant au NéoMacDo du
Bloc 1027. Ils avaient sympathisé et bavardé le temps d'avaler leur Super
"BB" Brouet-Brunch .
Elle lui avait raconté qu'elle avait fait des études à
l'Université PARIS 17 et obtenu quelques diplômes : Socio-Idéologie et
Organo-Chimie. Cette dernière spécialité lui avait permis d'exercer une
activité assez intéressante, pendant quelques mois, comme stagiaire
manipulatrice dans un labo spécialisé..
De toute façon, les diplômes universitaires, ne permettaient
généralement pas d'accéder à un Temps Collectif régulier et elle avait opté, en
fin de Cycle Instructif, sur les conseils de l'Inspecteur Idéolog du Bloc, pour
être immatriculée comme "Chômeuse Institutionnelle” , catégorie Intello
4+., ce qui lui convenait parfaitement, car le Bonus Salarial qu'elle aurait
retiré d'un quelconque Temps Collectif ne compensait pas, à ses yeux, la
contrainte des 3 heures réglementaires.
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L'état de "CHÔMEUR INSTITUTIONNEL
était - selon nos estimations - celui de 80 à 90% de la population .
Cet état avait longtemps été considéré
comme inadmissible, scandaleux et comme une tare fondamentale des anciennes
sociétés "Socialo-Capitalistes".
Les sociétés dites
"Socialistes", ou plutôt "Planificatrices", car
l'appellation "Socialiste" est assez floue et recouvre en réalité des
types de sociétés disparates, qui n'ont en commun qu'une organisation plus ou
moins planifiée et autoritaire de l'activité économique, donc sociale, avaient
érigé en principe la suppression du "Chômage".
La conséquence fut, dans le meilleur des
cas, un gaspillage difficilement concevable d'énergie humaine, la plupart des
emplois s'avérant totalement inutiles et anti-motivants, provoquant une
épidémie de suicides chez ceux qui en avait conscience et dans le pire des cas, une véritable
organisation de "travail" forcé.
Le
développement de robots et
d'androïdes de plus en plus performants et une rationalisation
totalement automatisée de la production et de l'activité économique en général,
ont finalement permis à l'humanité de se dégager complètement de cette antique
nécessité du "TRAVAIL" et par la même occasion de son aura
sacralisée.
Évolution accélérée par le développement
parallèle des techniques sensorielles, qui réduisirent considérablement les
besoins matériels individuels et les désirs des humains, puisque le merveilleux
monde virtuel auquel ils
pouvaient désormais accéder avait progressivement remplacé un monde réel ingrat, hostile et dévoreur d’énergie.
Ceux qui avaient accès au "TEMPS COLLECTIF" réglementaire ( 3 heures, 4 jours par semaine, vers l'an
21OO), étaient plus motivés par l'intérêt d'une spécialisation technologique
que par un "bonus salarial" modeste, s'ajoutant à leur S.M.I U.
(Salaire Minimum Individuel Uniforme).
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Yann avait laissé son code à la fille. Ainsi, elle entra directement dans la capsule, sans qu'il
soit obligé d'annuler la protection électronique automatique.
- Salut !
- Salut ! répondit Yann, tout en vérifiant ses paramètres de
Life-Confort: température, légère surpression atmosphérique, pureté de l'air
insufflé, degré hygrométrique, tension d'électricité statique, sans oublier,
bien sûr, la pression du fluide de son matelas hydraulique, qu'il durcit
légèrement.
Elle sourit. Saine,
rose et fraîche, elle enleva tout de suite son joli jog-jean tango-fluo et son
pull mode en gloss-velvet noir.
Nue, elle s'allongea sur le matelas hydro et lui tendit les bras.
Yann pris le temps de poser à même la
moquette un plateau avec deux canettes de Cocavod et une assiette
d'Energo-cracks. Ils avalèrent leur pilule anti-virus et ils firent l'amour,
sans plaisir extrême, mais avec la conviction nécessaire pour que cela soit
bien fait, car c'était la première fois qu'ils coïtaient l'un avec l'autre et,
bien sûr, ils s'appliquaient. Ensuite, ils burent leur Cocavod en grignotant
les petites pastilles vertes croustillantes et énergétiques,
tout en échangeant quelques mots.
Mais, en vérité, ils n'avaient pas grand’ chose à se dire !
“... ils n'avaient pas grand’ chose à se
dire !”... en effet, parce que dans cette société fonctionnant comme une
horloge bien réglée, il ne se passait rien, hormis quelques accidents et les
actions terroristes habituelles (nous y reviendrons plus loin).
L'équilibre dissuasif des
"blocs" antagonistes neutralisant les risques de guerre, la santé
relativement constante et les grandes maladies des siècles précédents enfin
maîtrisées, la vie politique et ses bouleversements socio-économiques
inexistants, l'activité économique mondialement planifiée, et robotisée, tout
cela faisait que la population passait la plus grande partie de son temps
devant les murs-écrans ou à faire l'amour, d'autant plus que c'étaient les
seules "activités" entièrement gratuites! !
La distribution continue d'images, de
sons et de sensations à toute la population était considérée comme une
nécessité vitale, au même titre que l'alimentation. En outre, c'était un
facteur de cohésion idéologique.
Déjà à cette époque, la "vraie"
vie n'était que ce qu’on programmait sur les écrans, tout le reste
n’apparaissant que comme une fiction, aussi nécessaire que désagréable.
Cette "inversion", progressait
dans toutes les Fédérations et préfiguraient l'évolution humaine des temps futurs, d'autant plus que certains sociologues-idéologues influents
n'y voyaient que des avantages et estimaient - avec raison - que cette inversion
fiction/réalité devait être la phase ultime de l'évolution de l'homme. Le point d’orgue étant sans
doute la suppression programmée du corps physique, aussi inutile que fragile.
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Vite habillés, ils s'installèrent confortablement dans les
coquilles relax, face au mur-écran et Yann, élevant la voix et articulant
soigneusement, appela le Canal 47, code 2-27-3-3-88, puis il donna son code
personnel: 32-K195, afin de recevoir sa version personnelle du self-feuilleton
à l'instant de son dernier épisode.
Il prononça "RE-SUM", ce qui fit apparaître un bref
résumé de l'histoire - ceci afin que sa compagne puisse participer au nouvel
épisode. En effet, elle-même avait fait diverger l'histoire dans une
direction différente.
La première séquence du nouvel épisode se déroula et après un
jingle familier, le visage d'une animatrice robotisée éblouissante couvrit tout
le mur-écran.
Celle-ci, leur demanda d'une voix sensuelle qui contrastait avec l'expression
figée de son sourire :
- Alors..... voulez-vous que Jorewitz tue Yacob, ou bien que Yacob
se sauve et ameute les Blacks
Rangels ?... Et voulez-vous
qu'Irinia fasse l'amour avec Russ ou avec Stankin ?...
Vous avez 4 minutes pour répondre !
Et maintenant, une page de d'endocpub.!
A tout de suite, mes chers Amis !
- Qu'en penses-tu ?.... au fait, comment tu t'appelles ???...
- Sayonna.
- Qu'en penses-tu, Sayonna ?... Comment tu répondrais ?...
- C'est bien, ta version.
Mais évidemment, pour moi c'est très différent...Yacob est mort depuis
longtemps - je l'aime pas ce type !
et Jorewitz a fichu une raclée aux affreux Black Rangels. Pour
Irinia, elle est amoureuse pour-de-vrai, alors elle a pas envie
de baiser avec Russ, ni avec
comment ? Stankin. Moi je l'ai pas celui-là !
- Écoute, Sayonna, je propose de laisser filer Yacob, comme çà les
bagarres dureront plus longtemps et pour ce qui est d'Irinia on dirait qu'elle
fera l'amour avec les deux ensemble! Hein ! ça sera plus marrant !
- Oh ! Toi alors ... terrible çà !... Bon, OK, on va bien rigoler,
mais j'aime quand même mieux ma version.
C'est..comment on disait ? plus..."romantique".
Le jingle fit vibrer la capsule et l'adorable visage de
l'animatrice apparut.
- Mes chers Amis...Avez-vous réfléchi ? Que va-t-il se passer
maintenant ?"
Yann répondit aux deux questions en donnant sa version du
déroulement de l'histoire.
L'animatrice lui adressa son sourire sexy standard et son image
s'estompa très doucement, pendant qu'elle murmurait:
- Bonne soirée, mes chers Amis, nous allons interroger
l'ordinateur. Prochain feed-back dans exactement 40 minutes...
Yann et Sayonna se regardaient en souriant. Ils étaient bien. C'était une chouette soirée.
L'écran restait uniformément gris-bleuté, tandis qu'une voix
synthétique se faisait entendre :
PRE MIERE QUES TION OK.
DEU ZIEME QUES TION
PO SIBLE UNI QUE MENT EN
MODE X...CON FIR MER
.
- Dis-donc, on va avoir un méchant porno. T'est OK ?
Sayonna s'esclaffa
- D'ac... tu sais, je préfère ça à la bagarre. C'est l'ennui avec vous, les garçons,
toutes les histoires, c'est toujours tout plein de bagarres, de coups, de
morts, de sang... yen-a-marre !
Le self-feuilleton se déroula jusqu'à une heure avancée de la nuit
et les deux jeunes gens, unis par leur complicité, faisaient évoluer l'histoire
au gré de leur fantaisie.
Sayonna était entrée parfaitement dans le jeu et discutant un peu
pour le principe, approuvait les versions proposées par Yann. Elle suggéra même de faire évoluer sa
propre version vers le point où ils étaient arrivés ce soir, afin de repartir
- si l'on peut dire- du même pied.
En complète harmonie, les jeunes gens décidèrent de faire encore
l'amour avant de se quitter et cette fois, leur plaisir fut plus intense.
Sayonna lui dit qu'elle avait programmé pour le lendemain de
rencontrer Mikoff, un bon copain, mais qu'elle lui dirait qu'elle n'avait pas
envie de coïter avec lui. Elle préférait revenir chez Yann pour faire ça.
Ils s'embrassèrent rapidement et elle disparut dans le sas ovale.
Le lendemain, dès son retour de son “Temps Collectif”, Yann
s'entendit appeler par le visiocom.
C'était Sayonna, dont la voix hésitante lui dit qu'elle était désolée,
mais que, vraiment, elle ne pouvait venir chez lui ce soir : une amie avait besoin
d'elle pour l'aider dans quelque démarche administrative lourde de conséquences
et, bien sûr, elle ne pouvait refuser.
Yann était ennuyé, mais la raison invoquée ne le surprenait pas outre
mesure.
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En effet, la moindre entorse aux
règlements, la moindre manifestation de déviation idéologique, ou tout
simplement la moindre attitude non-conformiste entraînaient une kyrielle de
difficultés avec toutes sortes d'autorités -
Les Inspecteurs Idéologs veillaient !
Ces "déviations" étaient le
plus souvent causées par simple étourderie ou négligence et il était coutumier
de s'entr'aimer entre relations.
Les choses n'allaient jamais bien loin,
car personne n'avait véritablement envie de se trouver "en marge"
d'une société dont la stabilité - et même la rigidité - étaient basées sur un
large consensus de gens qui s'y trouvaient bien, totalement
pris en charge et sécurisé.
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Il fut tout a fait rassuré quand Sayonna lui précisa qu'elle
viendrait le lendemain..
Yann n'avait quand même pas envie de rester seul !
Il appela plusieurs codes sans obtenir de réponse et finalement il
pu joindre Alik, une vieille copine fidèle, qui lui dit que, justement elle
pensait à lui et que cela lui ferait plaisir de passer le reste de la journée
avec lui.
Très vite, elle s'annonça sur le module de sécurité. Yann appela l'ouverture du sas et
l'embrassa gentiment sur ses lèvres pailletée d’éclats brillants.
Yann savait qu'Alik n'aimait pas tellement les
self-feuilletons. Elle préférait
la musique synthétique ou encore les jeux d'adresse qui lui permettait
d'exercer sa dextérité.
Cela arrangeait Yann, car il n'avait pas envie de perturber son
feuilleton en l'absence de Sayonna.
D'abord, ils s'étendirent sur le lit hydro pour faire l'amour.
Yann ne l'aimait pas tellement sur ce plan là - elle était
trop grassouillette ! - mais il
était poli et il savait qu'elle aimait faire l'amour avec lui. Et puis il avait sa fierté !
Ils s'installèrent ensuite dans les coquilles-relax et après avoir
réglé un fond sonore discret de musique synthétique, ils attaquèrent leur jeu.
Ils programmèrent une invasion de gnomes qu'il fallait attraper au
lasso graphique. Alik était visiblement très habile à ces jeux et on sentait
bien qu'elle s'y exerçait chaque jour.
Il y eut toutefois une brève interruption du programme:
un signal sonore assez désagréable retentit, préludant à une information
officielle importante. En effet,
l'image de la grille de jeu s'effaça et un Communicateur au visage carré,
s'inscrivit sur le mur-écran :
<< Nous informons la population que les "Anarans"
viennent de frapper une nouvelle fois notre cité. Une bombe
tactique, du type Minus U, a explosé à 19h37 dans le centre technique du
TERMIT 220, provoquant la destruction d'une centaine de capsules. Les victimes sont nombreuses, mais pas
encore totalement dénombrées, ni identifiées.
Le secteur visé du TERMIT 220 abrite en majorité des Inspecteurs
Idéologs du Ministère Central.
Le type de bombe utilisé, ainsi que la cible visée, désigne tout
naturellement les lâches terroristes des “Anarans”..>>
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Les INSPECTEURS IDEOLOGS (appelés
familièrement les ILOGS) formaient un corps de fonctionnaires
d'élite, directement rattachés à L'ORGANE
(Comité Politique Central).
Ils étaient omniprésents dans la vie
quotidienne du citoyen.
Leurs attributions étaient aussi
nombreuses que mal définies : orientation des jeunes, surveillance de la
population des Termits, détection des déviationnismes, conseils dans le domaine
administratif, formation civique, etc.
Ils étaient à la fois les
"guides" des citoyens et leurs "surveillants".
Ils n'étaient pas des policiers, mais
téléguidaient ceux-ci plus ou moins ouvertement. Appréciés ou détestés, ils étaient unanimement respectés !
Ils formaient une véritable
aristocratie de fait.
Ayant reçu une formation idéologique
profonde, ces Inspecteurs Idéologs étaient les garants de la stabilité et le la
continuité du régime.
Généralement intègres, certains d'entre
eux avaient néanmoins tendance à abuser de leur pouvoir et de leur
quasi-invulnérabilité, mais cela restait néanmoins assez marginal, en raison
des risques encourus.
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La voix du Communicateur poursuivit :
<< Les Autorités nous demandent de préciser que tout sera
mis en œuvre pour rétablir, dans le plus bref délai, les circuits Écrans et les
visiocoms des Termits affectés par l'explosion...>>
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Il est intéressant de préciser,
qu'appliquant une tactique très élaborée, les terroristes plaçaient leurs
bombes de façon à détruire le maximum de circuits alimentant les Capsules
habitées, privant ainsi la population de toute réception sur les Écrans.
Cette tactique avait des effets
particulièrement pervers, car, comme nous l' expliquions auparavant, tous les
individus qui avaient le sentiment de vivre leur "vraie vie" à
travers les émissions "interactives", se retrouvaient brusquement
plongés dans la réalité, complètement anéantis devant leurs Écrans noirs dans
un silence insupportable. Ces “Caps” devenues sourdes, muettes, aveugles !
Ils sombraient dans une dépression telle,
qu'il s'ensuivait immanquablement des suicides en série.
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Et le Communicateur conclut :
<< Nous rappelons que L'ORGANE a proclamé que la vigilance
des citoyens est la vertu civique n°1 et que tout citoyen dont les informations
permettront de démasquer et de liquider ces bandits antisociaux, armés par les
forces obscurantistes et réactionnaires sera élevé au rang de Héros du Mérite
Civique et que son SMIU sera doublé. >>
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"L'ORGANE", C'est ainsi
qu'on désignait le "COMITÉ POLITIQUE CENTRAL" qui était l'organe du pouvoir politique collégial de
chacune des Fédérations.
La
fiction, entretenue dans de
nombreux pays aux siècles
précédents, d'une "séparation des pouvoirs", entre le
"Législatif", "l'Exécutif" et le "Judiciaire",
n'avait plus cours. Après une période où des "Chambres" et des
"Parlements" de principe étaient conservés - plutôt pour les
avantages matériels et les honneurs que leurs membres en retiraient, que pour
des raisons idéologiques - les
structures du pouvoir s'étaient simplifiée et reflétaient comme
aujourd’hui la réalité politique concrète.
"L'ORGANE" concentrait toutes
les formes du pouvoir, mais c'était néanmoins un pouvoir collégial.
Les membres de ce Comité étaient élus par
les DP (Délégués populaires) des Provinces. Depuis que les États et les Nations avaient disparu au
profit des Fédérations Continentales (il s'agit ici de la Fédération
Européenne, allant de l'Atlantique à l'Oural), les Provinces
"Autonomes" constituant chaque Fédération élisaient au "suffrage
universel", c'est-à-dire que
tous les citoyens pouvaient et devaient voter leurs DP (Délégués Populaires), dont le rôle unique était
précisément d'élire, ou plutôt de coopter en secret les membres de l'ORGANE.
Les Provinces correspondaient plus ou
moins aux régions naturelles ou
aux ethnies, qui, pour des raisons
culturelles ou historiques, avaient longtemps lutté pour leur indépendance
vis-à-vis des anciennes Nations. (par exemple: Provinces Basques, Kurdistan, mais aussi : Bavière, Écosse, Tibet, Bretagne, etc... D'autres
Provinces correspondaient à d'antiques "royaumes", d'autres à des
petits états structurés de longue
date, comme la Suisse).
En fait personne ne connaissait les
membres de l'ORGANE, ni même le lieu de son siège. C'était une sorte d'entité
du pouvoir, dont les décisions étaient sans appel, nullement critiquables et
nullement critiquées !
Il convient de noter avec quel respect,
mêlé d'une certaine crainte, était prononcé le mot ORGANE. En réalité, on
évitait tout bonnement d'avoir à en parler !
Certains chercheurs émettent l’hypothèse
que le véritable ORGANE était totalement indépendant du pseudo ORGANE, issu de la cooptation des
Délégués Populaires. Fiction
maintenue au nom du “suffrage Universel”. Évidemment, ce n’est qu’une
hypothèse, non corroborée par des éléments probants.
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La face carrée du Communicateur disparut de l'écran et le jingle
familier annonça la reprise du jeu.
Yann et Alik ne firent aucun commentaire et se replongèrent dans
leur partie. Ce genre d'annonce était assez fréquent et il n'y avait guère de
semaine sans qu'un attentat plus ou moins meurtrier ne soit commis dans la cité
ou quelque part dans l'une des Provinces de la Fédération. La routine, en somme
!
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L'Action terroriste couvrait l'ensemble
de la planète et comme les régimes politiques étaient très voisins d'une
Fédération à une autre, les motifs de contestation violente étaient
pratiquement les mêmes, favorisant ainsi l'établissement d'une "Multi-Fédérale"
du terrorisme. Seules quelques divergences d'origine culturelle ou historique
différenciaient les nombreux groupes armés de cette contre-puissance,
parfaitement coordonnée par un état-major, se nommant COORDINATION
RÉVOLUTIONNAIRE jamais détecté, ni même identifié.
C'était, en quelque sorte, "l'ANTI
ORGANE".
Dans cette structure idéologique de la
terreur se retrouvaient des anciens Écologistes ou Ecolo-pacifistes (on les
appelait jadis: les "Verts"), les Libertaires, les Autogestionnaires,
les Anarchistes, les Alternatifs,
des anciens Syndicalistes, des fanatiques des anciennes religions éteintes, des
baroudeurs et désaxés de toutes sortes, appuyés par des
"intellectuels" fumeux, théoriciens nostalgiques des temps anciens,
apôtres d'une "société nouvelle", jamais définie, ou encore
vénérateurs d'une "nature" inchangée où les métropoles n'existeraient
pas.
En bref, s'y retrouvaient tous ceux qui
refusaient la vie quotidienne, matérielle et mentale, imposée par le système
social établi, unis par une seule
volonté de destruction, bien
incapables qu'ils étaient de proposer une alternative positive et crédible à la Société haïe et
viscéralement hostiles à toute structure d’ordre.
Cette force d'action violente et aveugle
ne différait pas fondamentalement de celle qui sévit dans notre société
actuelle, et qui, en fait, a toujours existé, sous des formes et des
appellations différentes.
La constatation d’une sorte de
concordance morphologique chez ces révolutionnaires a donné lieu à des débats
animés au sein de la communauté scientifique, les uns y voyant une véritable
mutation humaine, voire l’action d’un gène non identifié, les autres un simple
effet biochimique dû à des agents naturels mal connus.
Cette armée révolutionnaire mondiale
n'avait pas de nom et les différents groupes d'action opéraient sous couvert de
dénominations fluctuantes et ponctuelles, souvent en rapport avec une situation
locale, une mémoire historique, ou le souvenir d'un des leurs, érigé en
"martyr", par exemple: Groupe d'Octobre - Armée Anti-Informatique -
Comité Yorik, etc...).
L'information officielle ne tenait aucun compte de ces appellations "messages" et
désignait tous ces terroristes comme étant "les Anarans”, appellation
réductrice qui fut rapidement adoptée par la population.
La permanence de l’action terroriste, au
fil des ans, la parfaite organisation de ces groupes armés, l’utilisation de
technologies avancées et cette surprenante impunité dont ils jouissaient,
ont amené les historiens à penser
que cet “anti-Organe” pouvait être en fait une émanation de L’ORGANE lui-même !
L’objectif pouvant être double : d’une
part, canaliser et encadrer les irréductibles antisociaux et d’autre part,
fidéliser la population au régime, par besoin viscéral de sécurité.
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Yann s'ennuyait ferme avec cette fille et ses petits jeux ...
Il la laissa jouer seule et passa en revue avec beaucoup
d'attention son stock de rations, livré quelques jours auparavant par le Sup*Miam local.
Il en choisit deux sur son écran et effleura la
touche sensitive correspondante, pour que le Hi-Frek lui prépare leur repas.
Une note grave l'avertit et deux petits plateaux contenant
chacun une ration chaude, un verre de Cocavod, une salade d'algues, un stick de
plancton protéiné et trois biscuits énergétiques, glissèrent sur la grille de
réception.
Yann mit les plateaux sur l'encoche des coquilles-relax et mangea
sans appétit. Il ne se sentait pas à l'aise, le message de Sayonna le rendait
songeur.
Toute concentrée sur son jeu, Alik piochait distraitement les
petits morceaux de son repas.
Enfin, ce fut fini.
Elle avait gagné. Elle
était heureuse et elle s'en alla.,
Yann s'étendit sur son hydro, rendu plus moelleux et s'endormit
instantanément.
Le lendemain, quand il eut fini son "Temps Collectif" et
réintégré sa "Caps" douillette, le visiocom lui restitua un message
de Sayonna: "OK POUR CE SOIR JAI MERAI RES TER TOU TE LA NUIT AVEC
TOI".
Cela le surprit quelque peu, mais il en fut tout heureux . Décidément, cette fille lui plaisait
bien !
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Ce détail est assez significatif. En effet, il n'était pas habituel
que des "amoureux" décident de rester ensemble durant la nuit. Les
"Caps" étaient vraiment conçu pour l'individu et non pour un couple.
D'ailleurs, la notion de couple n'existait pas. Deux individus qui avaient une
attirance réciproque, avaient tout loisir de se rencontrer aussi souvent qu'ils
le désiraient
(le verbe "coïter" faisait partie
du langage courant, alors qu'il choquait dans le siècle précédent, par
sa brutalité animale).
Les" sentiments", dans le sens
que l'on donnait autrefois à ce vocable, avec son cortège d'autres vocables,
tels que "amour", "passion", "tendresse", avaient
déjà perdus toute signification.
L'amour" n'était qu'un désir sexuel
plus ou moins durable, une envie d'être ensemble devant le mur-écran, devant le
même programme - ce qui n'empêchait nullement de "coïter" avec
d'autres individus, entre deux rencontres.
En définitive, les rapports entre
individus étaient essentiellement pragmatiques, matériels et éphémères.
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Yann eut à peine le temps de se laver, de mettre un peu d'ordre
dans sa "Caps", que Sayonna, toujours souriante, fraîche et rose,
franchit le sas ovale. Ils s'embrassèrent
longuement et Sayonna alla elle-même commander quelques gourmandises au
distributeur Hi-Frek, qu'ils croquèrent en rigolant.
Ils se déshabillèrent et s'allongèrent sur l'hydro.
Yann caressa longuement la fille. Ils avaient tout le temps devant eux. Ils avaient toujours
tout le temps devant eux !
D'ailleurs, tout le monde avait toujours tout le temps... Mais la
décision qu'ils avaient prise de passer la nuit ensemble leur donnait une
nouvelle sensation du temps et ils le goûtèrent pleinement.
Il lui donna le plaisir qu'elle attendait et il fut comblé.
Fatigués, ils s'endormirent enlacés, comme ils se trouvaient.
A l'aube, Yann se réveilla, soucieux.
Il n'arrivait pas à se débarrasser d'une idée.
Une idée que le premier message, embarrassé, de Sayonna avait fait
surgir et qui se transformait maintenant en soupçon.
Sayonna dormait paisiblement. Yann fit quelques pas dans la capsule, la tête entre ses
mains. Il revint auprès de Sayonna et déplaça très délicatement son bras droit.
Il n'y avait pas de doute.
La "signature" se trouvait bien là, dans le creux de son
coude. Il constata qu'elle en avait une autre, plus petite, sous le poignet
gauche...
Yann n'arrivait pas à le croire. Cette fille si belle, si
souriante, si heureuse de vivre... ce n'était pas possible ! Pourtant, c'était
l'évidence. Il savait qu'il ne pouvait reculer.
Le risque était beaucoup trop grand et puis son sens civique, ou
plus exactement son conditionnement, comme celui de toute la population était
tel que la question ne se posait même pas ! Ce n'était ni du
"devoir", ni de la peur, bien qu'un Ilog ait pu la voir entrer dans
sa "Caps"... c'était tout simplement un automatisme inculqué.
Yann hésita quelques instants. Elle était trop chouette, cette
fille et il ne pouvait accepter ce qui devait lui arriver. Non qu'il eut une
connaissance précise de son sort - personne ne savait exactement ce
"qu'ils" devenaient - mais la rumeur décrivait leur anéantissement en
des termes horribles et s'y ajoutait la certitude d'une vengeance féroce de la
part de certains Inspecteurs Idéologs.
Ne pouvant supporter ce que son imagination lui laissait
entrevoir, Yann s'approcha doucement de Sayonna, toujours souriante dans son
sommeil. Il la regarda quelques
instants, lui caressa les cheveux avec infiniment de délicatesse. Elle se
réveillait doucement, s'étirant de tout son long, les yeux encore fermés
Alors, il
l'étrangla...
Yann
resta encore un long moment à regarder le jeune corps immobile.
Il revint lentement vers le visiocom, prononça le code
d'urgence-milice devant l'écran et appela ensuite "son" Inspecteur
Idéolog.
- Je suis MF-76-09-75-106.287-70. J'ai découvert que j'avais reçu
chez moi une terroriste des “Anarans”. Son matricule est
FF-77-08-75-229.324-70.
Elle n'a pas voulu se laisser prendre. Elle s'est débattue. J'ai
dû malheureusement la tuer pour la maîtriser. je viens d'appeler la Milice sur le code d'urgence.
- Comment l'as-tu identifiée comme terroriste ?
-Elle portait sur elle la "signature", ainsi qu'elle a
été décrite dans la circulaire 727 CIV. , distribuée par la Protection Civile
dans tous les Termits: des points
mauves concentrés sur plusieurs
endroits de son corps.
-Bravo ! ta perspicacité et ton courage seront récompensés. Ne touche à rien. J'arrive !
Yann était triste. Il avait la nausée. Il n'arrivait pas à
réaliser pleinement ce qu'il venait de faire. Il regarda encore le corps
inerte, dont un bras pendait le long de l'hydro. Toujours aussi belle,
épanouie, avec un reste de son éternel sourire au coin de la bouche.
La Milice arriva quelques instants plus tard, accompagnés des
équipes spécialisées dans l'enlèvement des cadavres, avec tout leur matériel.
Vint ensuite l'Ilog, souriant, triomphant, pérorant, important, comme si tout
le mérite et la gloire de cette capture lui
revenait. Après les constatations d'usage, les spécialistes, encagoulés et
silencieux, glissèrent le corps de Sayonna dans une enveloppe de plastique
translucide qu'ils scellèrent et recouvrirent le tout d'une deuxième enveloppe
également scellée.
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Les pratiques funéraires n'étaient pas
tellement différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui.
Les corps étaient rapidement enlevés, par
des techniciens spécialisés, munis de combinaisons étanches. Le corps, nu,
était glissé dans un premier sac en plastique souple, translucide, scellé sur
place. Il était ensuite glissé dans un deuxième sac en plastique épais, noir,
puis emmené dans une sorte de cocon en plastique dur, formé de deux coquilles
s'emboîtant l'une dans l'autre.
Arrivé à l'INCINERIUM automatique, des
robots mécaniques extrayaient le corps de son cocon, le plaçaient sur un
chariot roulant qui disparaissait dans le four à haute fréquence, puis, les
cendres étaient agglomérées avec de la résine, compactées dans un moule , polymérisées et gravées du n° matricule
du mort.
Il en résultait une brique standard, de
couleur gris clair, qui était transportée avec
toutes celles produites dans la journée sur le
chantier de L'ARC DU MÉMORIAL, gigantesque monument funéraire, jamais terminé puisqu' il s' y ajoutait,
chaque jour, les briques des morts de la journée.
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Tout le monde se retira. L'Ilog posa sa main sur l'épaule de
Yann “Encore bravo ! Tu passeras
demain à 9h au bureau du Commissaire pour faire ta déposition. J'y serai.
Bonsoir !”
Bonsoir ! Cela le fit sursauter. Bonsoir... Bonne soirée en effet, se dit-il...
Il regarda l'hydro vide. Il s'assit et il pleura longuement.
c'était trop rapide, trop bête, trop...injuste.
Mais qu'y pouvait-il ? Il n'avait fait que ce qu'il devait faire.
Rien de plus, rien de moins, rien d'autre.
Il se sentait seul.
trop seul. vide.
Machinalement, il s'approcha du visiocom et appela la liste des circulaires
d'instructions civiques, puis,
demanda la circulaire 727 CIV. Celle-ci s'inscrivit aussitôt sur l'écran. Il lut:
"...
alors qu'il est demandé à chaque citoyen une vigilance accrue et un engagement
personnel pour faire face à la pression terroriste des “Anarans”, il est
important que chacun connaisse certains des moyens d'identification qui
permettent de les repérer. Ces terroristes sont très difficilement repérables,
étant tactiquement comme des "poissons dans l'eau" parmi la population
et totalement intégrés dans celle-ci.
En revanche, dès qu'ils sont passés à
l'action, c'est-à-dire dès qu'ils
ont manipulés des explosifs et en particulier, dès qu'ils ont participé à la
fabrication des tristement célèbres bombes Minus U, ils ne peuvent empêcher
certains composants chimiques de la bombe de laisser sur leur épiderme des
traces indélébiles, en raison des moyens rudimentaires de mise en œuvre, dont
ils disposent.
Ces traces prennent la forme d'une série de
points ou de
cercles mauves indélébiles, concentrés sur plusieurs endroits du
corps."
Yann arrêta un instant sa lecture. Un gros sanglot envahit sa gorge.
Il regarda l'hydro et resta songeur. Il revoyait l'image de leurs
deux corps enlacés dans la jouissance de l'amour. Il pensa qu'il n'avait jamais
lu cette circulaire touffue jusqu'au bout. Il lut la suite:
"... Il est toutefois nécessaire de
souligner que certaines professions faisant partie du Temps Collectif peuvent
provoquer des symptômes similaires. En conséquence, il est recommandé dans le
cas ou des signes de cette sorte seraient détectés, de se renseigner
discrètement sur l'activité professionnelle de la personne suspectée, et en cas
de doute, d'en référer à votre Inspecteur Idéolog... etc...etc..."
Yann était atterré. Il avait soudain l'impression que son sang ne
circulait plus, qu'il cessait de vivre... Il fit un effort pour réfléchir...
Il ne se souvenait
plus très bien de ce que Soyanna lui avait dit de son activité d'étudiante,
avant qu'elle ne devienne "Chômeuse Institutionnelle". Pourtant...
oui, il s'en souvenait... c'était bien cela : il était question de
d’organo-chimie.
Sa certitude fit place au doute et il savait que ce doute vivrait
autant que lui, qu'il serait toujours présent en lui, lancinant, le torturant
chaque jour...
Que jamais, jamais il
ne saurait la vérité.
Mais au fond de lui-même, il la connaissait, cette vérité !
Yann se coucha sur le sol - il ne pouvait envisager de s'étendre
sur l'hydro - Il ne pouvait empêcher ses larmes de couler et sa cervelle de
tourner... de tourner. Et puis la
fatigue le terrassa et il sombra dans un sommeil comateux.
Yann ne se rendit pas le lendemain chez le Commissaire-Juge pour
faire sa déposition officielle et subir un test d’évaluation de son Coefficient
de Discernement
Il appela son Ilog qui vint tout de suite le rejoindre, inquiet.
Yann lui déclara qu'il était malade, une sorte d'état de choc que l'Inspecteur
trouva tout à fait normal. Bon
prince, il lui accorda 8 jours de
repos complet et lui donna quelques drogues reconstituantes et euphorisantes
qu'il avait dans la poche de son blouson noir laqué. Il lui confirma qu'il
avait fait le nécessaire pour le doublement de son SMIU.
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6 mois plus tard...
Tous les écrans de toutes les "Caps", de tous les
Termits de la métropole, annoncèrent que l'un des plus dangereux terroristes
des “Anarans” venait d'être identifié et arrêté.
Il faisait parti d’une cellule terroriste dite “dormante” parfaitement
intégré dans son milieu, donnant toute satisfaction dans son comportement et
son travail, en l’attente de sa réactivation.
Malheureusement, lors de son transfert, il avait réussi à
s'échapper du véhicule de la police et à se jeter dans le vide bordant
l'autoslip, se tuant sur le coup, cent mètres plus bas sur le toit d'une
capsule.
Il avait le matricule MF-76-09-75-106.287-70.
Le Communicateur rappelait que ce même individu avait étranglé une autre
dangereuse terroriste, six mois plus tôt... Probablement un règlement de
comptes entre factions rivales...
1 commentaire:
pas mal !
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