vendredi 18 juillet 2008


Vieilles maisons à Dubrovnik

MONTGO au mouillage.
Ce lieu m'inspira ce récit : le COL

Le COL

Laurent descendit dans l'annexe et gagna le quai du petit village.

Il en avait un peu assez de rester sur le ketch de ses amis, d’autant plus que l’ambiance à bord c’était quelque peu dégradée, ainsi qu’il arrive souvent dans l’univers confiné d’un voilier. Cette baie fermée d'Okulkje était tellement belle, entourée de ses reliefs escarpés, alternant parois rocheuses, forêts de résineux et maquis odoriférant.
Aprés toutes ces journées de navigation, le long de la côte dalmate, une irrésistible envie de marcher, de grimper, d'explorer, le poussait vers la terre...
Il débarqua.
Juste derrière la rangée de maisons alignées en demi-lune autour de la baie, commençait le maquis, à peu près infranchissable, avec ses buissons épineux et ses feuilles dures et vernissées.
Un vieux pêcheur, assis sur une pierre, l'observait. Laurent alla vers lui. Avec quelques mots d'allemand et son bras tendu vers les sommets, il lui fit comprendre son désir de grimper là-haut.
L'autre sourit en le regardant droit dans les yeux.
- Ich wartete auf Sie (Je vous attendais) ...dit-il curieusement.
Il lui fit signe de le suivre.

Ils s'engagèrent entre deux maisons, franchirent un petit pont de pierres surplombant une courette pleine de chats étiques aux têtes triangulaires. L'homme s'arrêta, montrant à Laurent une sorte de chaussée empierrée, s'enfonçant dans le maquis.
Laurent le remercia, fit quelques pas. Il sentait le regard de l'homme fixé sur lui et se retourna. Il n'y avait plus personne...
A grandes enjambées souples, Laurent se mit en route, mais les grandes dalles étaient irrégulièrement enchâssées dans le sol et la marche s'avérait tout de suite assez pénible.
Les insectes, excités par la chaleur de cette belle journée quelque peu orageuse de juillet, faisaient vibrer un air saturé de senteurs.

Laurent respirait à pleins poumons. Il se sentait bien. Il pensait que, logiquement, cette chaussée devait le conduire vers ce qui paraissait être un col entre deux falaises rocheuses abruptes, qu'il apercevait là-haut, au loin et il avait envie de voir ce qu’il y avait de l’autre côté.
Il croisa bientôt une vieille femme édentée, un fichu noir serré autour de la tête. Elle le toisa sans aménité, croassa quelques imprécations malveillantes et lui fit signe de s'arrêter, de rebrousser chemin.

Agacé, Laurent l'écarta et reprit sa marche. Il se demanda ce que pouvait signifier le message de cette vieille folle.
- Bizarre... Il accéléra.
Cela faisait bientôt deux heures qu'il marchait et le soleil resplendissait, encore haut, dans un ciel uniformément bleu.
Les lacets succédaient aux lacets. La vue était prodigieusement belle, plongeant dans le lagon d'un bleu intense, presque violet, parcouru d'ondes argentées, au rythme de quelques légères risées.
En demi-cercle, la frange des petites maisons blanches aux toits rouges. Au milieu, le point blanc du grand voilier immobile sur son ancre. Et toutes ces nuances de verts, formant un écrin à cette précieuse petite baie si calme.
Au premier plan, déjà en-dessous de Laurent, un piton de rochers gris, couronné de quelques ruines. Au loin, à peine visibles dans la brume de chaleur, d'autres îles de la côte dalmate. Et cette stridence continue des insectes, soulignant le silence, seulement déchiré par la plainte agressive d'une mouette.

Laurent s'était arrêté quelques instants, pour respirer et pour admirer ce panorama du bout du monde. Puis, il reprit sa marche.
Il avançait toujours régulièrement, de sa démarche légère de sportif, mesurant l'effort et le souffle, car cela montait dur et le soleil tapait.
Il arriverait bientôt au col et il eut un petit sourire en pensant qu'il entrait dans cette zone où l'on croit toujours atteindre le col convoité, mais en réalité il y a presque toujours plusieurs plis de terrain qui obligent à descendre, puis à monter, puis à redescendre et à remonter.

On a l'impression que le col - c'est-à-dire l'endroit ou, enfin, l'on peut "voir ce qu'il y a de l'autre côté" - s'éloigne sans cesse, à mesure que l'on s'en approche.
Laurent connaissait assez la montagne pour ne pas s'en étonner.
Il se dit que c'était pareil, en mer, quand on voulait doubler un cap !
Il pressa le pas. Maintenant, il ne pouvait plus apercevoir la petite baie, ni même autre chose que la pente boisée qu'il venait de descendre.
C'est alors qu'il remarqua l'étrange manège d'un vol de goélands, tournoyant au-dessus de lui.
Tantôt l'un, tantôt l'autre se détachait du groupe et plongeait à lui raser la tête, ponctuant son piqué d'un cri bref, rauque, comme pour l'empêcher d'avancer.
Le soleil déclinait.
L'ombre recouvrait progressivement cette solitude.

Laurent se sentait énervé. Cette ambiance oppressante, cette atmosphère étrange, cette pesanteur... “Il fait trop chaud”, se dit-il pour se rassurer. Pourtant, il était presque certain de voir des ronces tomber devant lui, en travers du chemin. Celui-ci devenait de plus en plus mauvais, avec ses pierres déchaussées qui roulaient sous ses pieds ou le faisaient trébucher. Ce n’était même plus une piste.
La fatigue le gagnait.

Laurent se rendait compte qu'il avait marché plus qu'il ne fallait pour atteindre le col. Monter, descendre, monter, descendre... et ce maudit col qui s'éloignait sans cesse ! Et plus il s'éloignait, plus Laurent voulait l'atteindre, devait l'atteindre, savoir ce qu'il y avait de l'autre côté, sur l’autre versant de l’île.
S'arrêter ? Retourner ? c'était impossible. Plus maintenant ! Pas avant de savoir...
Pas avant de savoir ...
Et la nuit tombait.

Les rochers étaient blafards, avec des formes animales.
Ils semblaient le regarder et même bouger. Tout était hostile. La belle forêt de pins n'était plus qu'un amas d'arbres morts, fossilisés, blanchis par le temps. Restes d'un feu ancien.
Il n'y avait plus d'oiseaux, plus de lézards, plus d'insectes...

Laurent ne pouvait plus s'arrêter. Il avançait péniblement, avec une sorte de rage. Il fallait qu'il sache... qu'il sache enfin ce qu'il y avait de l'autre côté !
Encore une descente et puis une montée.
- Cette fois j'y arrive ! j'y suis !
Non. Ca redescend et ça remonte et les lacets succèdent aux lacets... et les rochers défilent... et les arbres morts se font moins serrés... et le chemin n'existe plus... et les arbres fossiles eux-mêmes disparaissent... et il n'y a plus de rochers... et il n'y a plus d'herbe... et il n’y a plus de ciel...et il n'y a plus rien...
Le col est là, tout près.

Est-ce la nuit ? Est-ce le jour ? Qu' importe !
Est-ce aujourd'hui ? Est-ce demain ? Est-ce hier ? Plus tard ?
Il faut passer ce col. Voir... savoir ce qu'il y a de l'autre côté !
Plus que quelques pas... le col est juste là... quelques pas encore... encore...
Non. Ca redescend. Et puis ça remonte.

Laurent est épuisé. Cela fait des jours et des jours et des nuits qu'il marche, ou plutôt qu'il se traîne, à quatre pattes, qu'il rampe sur le ventre, qu'il tend le bras pour attraper ce col damné.
De l'autre côté, maintenant, enfin, il voit :
Ca descend...
...Et puis ça remonte.
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Le vieux pêcheur qui avait indiqué le chemin à Laurent, ramena son corps sur ses épaules, l'allongea dans sa barque, godilla jusqu'au voilier, le remit à ses amis et s'éloigna en disant simplement :
- Er auch hat wissen gewollen*...

Ses amis ne le reconnurent pas.
Laurent était desséché, fossilisé comme un arbre mort, comme les pierres du col. Il avait les cheveux longs et blancs, une épaisse barbe blanche, les yeux brûlés, les ongles arrachés.
Il avait cent ans !

*Lui aussi, il a voulu savoir..

lundi 14 juillet 2008

NEW-YORK = images et réalité


New-york linéaire

L'allumeur de réverbères