jeudi 25 février 2010

"OCÉANS"

À TOUS !
Allez tous voir « OCÉANS » … et pas à la télé !
C’est sublime.

• D’abord, l’intérêt documentaire : La découverte d’un univers, l’incroyable diversité de la vie et de ses solutions pour vivre et survivre.
• Ensuite, l’image : la beauté des décors, le choix des lieux et surtout la pureté des images baignant toujours dans une lumière fabuleuse, aussi bien sous la mer que dans le ciel.
• Et puis le son : Pas de blabla ou si peu. Un accompagnement sonore et musical parfaitement adapté à la scène…ce qui est plus que rare dans le cinéma actuel.
• Enfin l’audace, la patience, les prouesses techniques, des séquences à vous couper le souffle, mais toujours tournées avec pudeur et sensibilité. Un hymne à la mer, à sa sérénité et à sa fureur...
Et l’on se dit : Comment est-ce possible ? Comment ont-ils fait ?

Bref… LE chef d’œuvre !
Merci, Jacques Perrin.
Sortis de cet univers virtuel, une fois de plus on se dit : Pourquoi ?
Pourquoi cette diversité ? Pourquoi ces innombrables modes de locomotion, de capture, de protection, de reproduction, avec leurs outils spécialisés ?
Ce chacun pour soi des espèces vivantes ?
Pourquoi ce massacre généralisé ? Pourquoi faut-il qu’une espèce ne survive qu’en bouffant les autres et avec quelle cruauté ?

Pourquoi ces délicieux petits pingouins, ont-ils transformés leurs ailes en nageoires dans le seul but de jouer les maquereaux sous l’eau, pour se faire croquer par les orques, comme des bombons, au lieu de voler dans le ciel façon pétrel ?
Pourquoi ces milliers de petites tortues à peine nées savent déjà qu’elles n’auront le droit de vivre qu’en gagnant la course à la mer.

Qui a inventé ce jeu infernal, digne du cirque antique ?
Et l’on osera parler de la cruauté des hommes !…

dimanche 21 février 2010

La CALAVERA

22 H 30...
Le timbre cuivré, trop sonore, de la porte palière le fit sursauter.
Fabien arrêta le lecteur DVD, se leva de son confortable fauteuil design de cuir noir et ennuyé, ouvrit la porte.
- Tiens ! Toi ! Quelle surprise !... ça alors... je te croyais à l'autre bout du monde !
C'était "SS"... Serge Sobrine, son copain d'H.E.C.
- J'y étais encore hier et j'y retourne demain... mais de l'autre côté de la boule ! Deux mois de Mexique et maintenant: direction Istanbul. Juste le temps d'embrasser ma mère, quelques copines infidèles et bien sûr, toi !
- Entre !

SS, d'origine moscovite, un peu apatride, un peu globe-trotter, un peu play-boy, avait toute la nonchalance, le charme, l'illogisme, la brillance intellectuelle de son peuple, version "haut-de-gamme". Il s'était propulsé dans le marketing mondial d'une grande multinationale diversifiée, plus par son pouvoir de séduction, que par ses diplômes et son professionnalisme.
Il pratiquait d'ailleurs le "marketing du pif", mais comme il avait un bon "pif", les résultats étaient parfaitement conformes aux objectifs, ce qui était nécessaire et suffisant.
Autrement dit, il possédait ce que l'on appelait autrefois, tout simplement: "le sens des affaires", lequel fait bien souvent défaut aux jeunes théoriciens de nos écoles commerciales !
Serge et Fabien étaient vraiment de vieux et joyeux copains et avaient toujours grand plaisir à se rencontrer.

Fabien n'avait pas particulièrement remarqué que "SS" était entré avec un gros carton cubique sous le bras, qu'il avait tout de suite posé avec précaution sur la dalle de verre du guéridon en inox.
- Ça, c'est pour toi... mais attention, c'est fragile ! Mon vieux, tu l'ouvriras plus tard... je n'ai absolument pas le temps de rester, même pour une petite vodka glacée.
Je voulais juste te serrer la pince, te donner ça et je m'en vais...
- Mais qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?
- Tu verras, ça te plaira, c'est bizarre, c'est beau et c'est laid à la fois, c'est typiquement mexicain... Bon ! Il faut vraiment que je me sauve... on bavardera la prochaine fois... ciao... bambino...
Arrivederci !

La longue silhouette souple de Serge Sobrine s'escamota dans le clair-obscur de l'escalier.
Intrigué, Fabien fit pivoter son fauteuil favori vers la table basse, s'y installa et entreprit d'ouvrir son carton avec toute la maladresse énervée dont les hommes font preuve dans ce genre d'exercice.
Alors, apparut la “Calavera”.

Tête de mort mexicaine: objet de fête, objet de rite, vrai squelette, ou sculpture en sucre, comment savoir ? tant les couleurs, les rubans, le clinquant doré, les paillettes étincelantes, masquent la réalité de la chose.
Amusé, ravi, Fabien contempla la Calavera, tenue avec respect au bout de ses bras tendus. Il adorait ce genre d'objets insolites, venus de tous les peuples de la terre et il en possédait déjà un certain nombre, rangés avec goût dans une longue vitrine murale aménagée à grands frais dans son bureau-living "branché" de célibataire aisé.
Il déplaça des objets, pour faire de la place et après quelques essais, trouva l'emplacement idéal pour sa tête mexicaine.

Plus d'un mois s'était écoulé, depuis l'étrange visite-éclair de"SS". Fabien, pressé par ses nombreuses occupations professionnelles ou non, lesquelles se confondaient le plus souvent, avait presque oublié la belle Calavera.
Il travaillait en effet dans cette frange d'activités bien parisiennes et mal définies, touchant aux relations publiques, à la mode et au show-bizz .
Un soir, alors qu'il essayait vainement de rédiger un communiqué pour la presse - l'inspiration étant curieusement absente - Fabien prit conscience qu’une sorte de pesanteur, de malaise, engourdissait son esprit.
Il n'arrivait pas à coordonner ses idées, comme s'il était obsédé par un souci majeur. Pourtant, en cette période, rien ne le préoccupait sérieusement.
- ça baigne, dit-il à haute voix et il s'efforça de se concentrer sur son texte.
Impossible ! Impossible d'écrire une ligne ! Plus pesante encore, cette sensation paralysait ses facultés. Il avait la sensation d'une emprise, d'une présence étrangère à l'intérieur de lui-même. Une grande mélancolie le submergea. Il restait là, tout bête, devant son écran plat.
- Qu'est ce que j'ai ? Le cafard ? Moi ! Sans blague ...
Fabien se leva, se secoua, se versa un grand bourbon, alla chercher trois glaçons, revint dans son bureau et se mit à faire toutes sortes de grimaces que lui reflétait la vitrine aux objets.
C'est alors qu'il rencontra le regard de la Calavera.

Le regard ? Une "tête de mort" n'a pas de regard ! Et pourtant, c'était bien un regard, que son propre regard croisait. Un regard humain, vivant, triste et dur. Un regard qu’il semblait connaître, sans pouvoir l’identifier.
Fabien frémit. Il posa précipitamment son verre, éclaboussant le guéridon et ouvrit la vitrine. La Calavera trônait parmi quelques têtes réduites indiennes et objets de culte d'ethnies lointaines. Tête inerte, orbites vides, il remarqua ses dents, petites, éclatantes, comme celles d'un être jeune et sain.
Il toucha l'objet avec quelque réticence.

- Tiens ! çà parait être un vrai squelette, sous toutes ces parures. Peut-être avait-elle été une jolie fille... To be or not to be...

Fabien n'insista pas et posa doucement la Calavera sur la tablette, referma la vitrine, vida son verre d'un trait et se remit au travail.
Apaisé, redevenu lucide, il termina son texte, le relut soigneusement et se dit qu'il le trouvait très bon ! D'ailleurs, il rédigeait facilement ces communiqués de presse dans un style aussi précis que fluide , ce qui le faisait apprécier de ses journalistes correspondants.

Les semaines qui suivirent s'écoulèrent dans la routine quotidienne, avec ses nombreux rendez-vous, ses distractions, ses petits pépins mineurs, les copains, les filles...
Mais chaque fois que Fabien s'asseyait devant son bureau, pour un travail qui demandait quelque concentration, le même phénomène, la même paralysie intellectuelle, cette même impression d'être soumis à une influence extérieure, se reproduisaient... et toujours sous le regard de cette Calavera fixé sur le sien, le suivant dans ses déplacements et s'évanouissant dès qu'il ouvrait la vitrine.
Ni visionnaire, ni mystique, Fabien se dit que ce phénomène idiot était dû probablement au reflet de la glace et peut-être aussi au fait qu'il avait trop d'activités diurnes et... nocturnes et qu'il devait, sans doute, être un peu surmené.
- Bon ! Il est temps que je fasse un peu relâche, avant que l'infarctus ne me rattrape !
Il s'octroya huit jours de vacances, fit un peu de voile à La Rochelle avec une bande de copains, rigola beaucoup, dormit beaucoup, demeura chaste et avala de grands bols de lait.

De retour, en pleine forme, dans le tourbillon de sa vie parisienne et le confort futuriste de son "appart' ", Fabien se planta devant la Calavera, lui tira la langue et dit simplement : connasse.
Et pour éliminer tous les facteurs de son hypothèse, il laissa la vitrine ouverte, mis le CD d'"Oxygène" dans le lecteur, ses pieds sur la table et se plongea dans son courrier.
Ce fut pire.

Complètement paralysé sur son siège, il dut subir le regard triste et méchant de la Calavera et il aurait juré qu'elle ricanait ! Quand cela se fut estompé, Fabien transpirait, non de peur, mais d'une colère froide. Rageur, il retourna la Calavera vers le mur et la recouvrit d'une serviette. Il réprima une forte envie de la broyer et de jeter le tout dans le vide-ordures.
- Et merde ! Je ne vais quand-même pas céder devant ce truc-là ! Rien ne se produisit dans les jours suivants.

Un matin, au volant de sa petite GTI noire, sa "bête", Fabien descendit sportivement les Champs Elysées, au mépris des radars, traversa les différents quartiers de la rive gauche, se jouant avec dextérité des embouteillages traditionnels et atteignit la banlieue sud.

Là, il eut quelque difficulté à s'orienter, cherchant la nouvelle adresse d'une Agence de "Corporate Communication" qui venait de s'installer, bien évidemment dans les entrepôts d'une usine désaffectée - une sorte de “loft”- Snobisme oblige, masquant en réalité une raison purement économique.
Un feu rouge l'obligea à s'arrêter. A l'angle de cet important carrefour, Fabien regarda distraitement la devanture d'une brocante, assez poussiéreuse, dans laquelle il lui semblait apercevoir des objets intéressants.
Mais, ce qu'il vit le glaça : la Calavera le fixait, droit dans les yeux, de ce même regard accusateur.
Fabien perdit tout contrôle. Il voulut fuir, s'évader de ce regard. Il écrasa l'accélérateur. La GTI bondit...
Le feu était toujours au rouge. Il ne vit même pas le vingt-tonnes qui débouchait sur sa droite. Le camion percuta la petite voiture en plein travers, l'entraînant sur toute la largeur du carrefour, pour aller écraser ce qui en restait contre le mur d'en face.

Fabien ne mourut pas sur le coup. Son corps était broyé, mais dans son esprit, des images se bousculaient, incohérentes ou logiques, feu d'artifice coloré. Images du passé, images enfouies dans un subconscient qui ramenait tout à la surface, pêle-mêle, comme une vomissure.
Il revit son copain Serge. C'était quelques années auparavant.
SS lui donnait une grande claque dans le dos :
- Tu m'as volé Natacha, salaud ! Et ça, je ne te le pardonnerai jamais. A elle non plus !
Bah ! Ce n'était pas la première fois qu'ils se piquaient des nanas !
Mais, où était Natacha ?
Pourquoi avait-elle disparu, comme ça, un beau jour ?

PUERTO ALEGRE = variations graphiques