vendredi 25 janvier 2013

Le petit monde de la Tour-du-Pain




LA SENTINELLE

C’est le Rouge-Gorge.
Improbable croisement d’ un majordome de Gosford Park et d’une vieille dame de Faisan, avec sa belle livrée beige immaculée et son plastron tango, avec ses pattes filiformes soutenant un corps dodu.
Toujours digne, il stationne en permanence sur la Tour-du-pain et il s’éloigne discrètement dès qu’un convive vient picorer son michot.
Puis, il revient nettoyer les minuscules miettes qui jonchent la plate-forme de la Tour.
Les convives ne sont pas toujours très raffinés.
Quand le pain manque - Inexcusable oubli ! - l’oiseau se tourne vers la fenêtre, et vous regarde droit dans les yeux avec un regard qui vous culpabilise grave !

L’ ÉTERNEL PANIQUÉ

C’est le Pic Epeiche
Toujours paniqué.  Il arrive en cati-mini par l’arrière de la Tour-du-pain qu’il escalade, ne laissant apparaître tout juste que sa tête.
Celle-ci pivote de droite à gauche, comme la tourelle d’un char d’assaut.
La moindre feuille qui bouge, le moindre son, réel ou supposé et il s’évade vers son acacia refuge.
Il revient et le manège recommence.
Enfin rassuré, il monte plus haut et son long bec s’active frénétiquement comme un marteau piqueur sur  la chaussée.
Comment est-il construit pour ne pas avoir des maux de tête à se défoncer la cervelle !
Et son manège dure si longtemps, qu’une innocente mésange vient à traverser son espace aérien.
Alors, re-maxi-panique et il disparaît !...
Comment peut-il se nourrir ?

LES LOUBARDS

C’est la bande des Canards.
Toujours fébriles, ils arrivent comme un rezzou,
se bousculent et se jettent sur le grain répandu.
Tous machos.
Les mâles pincent les cannes pour les éloigner.
Elles reviennent dare-dare et picorent en vitesse.
Les mâles se pincent entre-eux et en oublient de bouffer !
C’est le grand n’importe quoi !
Tout le monde pince tout le monde.
Ça ressemble à une piscine bourrée de sales gosses...
Les cris en moins.
Rarement de vraies disputes, de bagarres, de duels !
La règle est la suivante : Le “pinceur” poursuit le “pincé” trop proche. Celui-ci court mettre ses plumes du croupion
à l’abri.
Puis il revient et devient “pinceur” à son tour...sur un autre “pincé”.
Et le manège se poursuit tant qu’il y a du grain.

Alors, un mâle dominant se dresse immobile.
Il regarde au loin, vers la rivière.
C’est le guetteur du désert des Tartares
Toute la bande l’imite et tous ces loubards agités s’envolent
en rase-motte, vers l’Essonne.
Les veinards...si seulement je pouvais en faire autant !
Seul, reste le couple fidèle, étonné de cette débandade.
IL glane les derniers grains et s’éloigne paisiblement, bras dessus, bras dessous...
A noter : la présence fortuite d’un beau canard Mandarin.
Sûrement un investisseur chinois de passage.
Son plumage technicolor et ses plumes relevées évoquent
les personnages de l’opéra pékinois.
Dommage qu’il soit grognon et agressif...

LE NAIN DE JARDIN

C’est l’Ecureuil.
C’est aussi le plus sympa.
Je devrais dire: ce sont, car il y en a quatre.
Le plus familier est le plus beau.
vêtu de sa belle fourrure fauve, bien fournie,
il est toujours présent dans le coin.
Je l’ai prénommé Gaspard.
Pourquoi ? Je n’en sais rien, mais ça lui va bien,
et il n’a pas protesté.
Je l’imagine avec une grande casquette de travers,
façon Gavroche.
Le deuxième est presque aussi beau, mais plus jeune.
Est-ce Gasparin ou bien Gasparette ? Fils ou conjoint ?
Je n’en sais rien non plus, mais ne faisant preuve d’aucune attitude équivoque, je ne puis lui attribuer un sexe.
Cela n’a d’ailleurs aucune importance aujourd’hui.


Le troisième est plus gros.
Il est aussi plus foncé,  presque gris, mais on le voit rarement.
Il doit crécher dans les bois.
Un peu bourru. C’est sans doute le Papy.
Le quatrième a perdu sa queue.
Une agression de Bibendum ?
Et bien croyez-moi : Rien n’est plus ridicule qu’un écureuil
sans queue ! 
Ça ne le perturbe pas. C’est même un avantage sur la neige !
Il est vif et joyeux, il est devenu un écu-rat.
On peut vraiment dire que la queue fait l’homme...
ou plutôt l’écureuil !...

Je me plais à imaginer toutes cette petite famille nichée,
bien au chaud, dans le tronc du vieil acacia.
Un peu comme les maisons-tonneaux des Hobbites...

Mais pourquoi ont’ ils un comportement aussi erratique ?
Je cours à droite. Je freine sec. Je cours à gauche.
je pile. je me dresse tout droit. Je fais mine de ramper et puis je saute et puis je cours à l’autre bout du jardin et je reviens illico !
Je grignote une graine et je repars... je grimpe tout en haut du bouleau. Pourquoi faire ? Je n’en sais rien. D’ailleurs je redescends et je cours ailleurs. Un peu zinzin !
On se calme.

LA  RAFFINÉE

C’est la Sittelle Torchepot
Pourquoi diable, l' affubler d’un pareil nom ?
Sans doute parce qu’elle pratique la maçonnerie pour boucher et réparer son nid .
C’est une gracile et svelte jeune fille (je ne peux imaginer une Sittelle mâle... et pourtant, il doit bien y en avoir), toujours bien maquillée, avec ses yeux joliment soulignés d’un trait noir, son bustier ocré et sa capuche grise.
Elle fait preuve d’un solide tempérament !
Elle est taillée pour la vitesse distinguée.
C’est une Ferrari.
En fait elle règne sur la communauté des passereaux.
Quand elle atterrit sur la Tour-du-Pain, tous les petits piafs se sont écartés respectueusement pour la laisser passer, quand elle plonge dans la mangeoire


LE GROUPE FOLK  “MES ANGES”

C’est le ballet des Mésanges
Avec leurs tenues de scène noir/blanc/ jaune pour les grandes, ou gris/bleu/blanc pour les cadettes et gris souris avec capuche noire pour les petites, les Mésanges sont gentilles, gaies, peu farouches, et sans histoires...
C’est un corps de ballet de jeunes filles bien élevées.

NOIR, C’EST NOIR... LE MUSICIEN NOIR

C’est le Merle noir
On dit que le merle siffle, flûte, appelle ou babille.
C’est l’un des plus beaux chants d’oiseaux d’Europe.
Son répertoire, ses variations mélodiques, ses capacités d’improvisation sont reconnus.
Mais surtout, il est noir.  Et fier de l’être !
Foin des artifices du camouflage.
Bons pour le vulgaire...
Il ne craint personne. Il sautille sur la pelouse, exhibant sa belle livrée luisante et tant mieux si la neige recouvre la pelouse :
On ne voit que lui. Et son bec jaune.
Sympa, le petit cousin !

Il y aurait tant à dire sur toutes ces petites bestioles du parc.
Tant à imaginer, tant de beauté, de poésie, de vie...
Pourtant, la réalité doit être, sans doute, bien éloignée de ce que peut concevoir un imaginaire indulgent !
La cruauté inhérente à la vie doit régner, ici comme ailleurs, comme partout où il y a de la Vie.

Un Héron survole la scène.
Vieux torchon sale emporté par le vent...
Un Geai  s’abat sur la pelouse. touche de bleu sur le vert.
Surpris : “Merde ! Je n’ai rien à foutre ici... c’est pas mon monde”
Il pique une graine et s’en retourne au bois.
Sa mission : Croasser avec aigreur pour prévenir ses copains, cochons et chèvres de la présence hostile du chasseur.