samedi 25 février 2012

Ségolette et le pot au lait

La belle Ségolette se regarda dans le miroir.
Oui, je suis belle, se dit-elle
Et intelligente.
J’ai des tas de diplômes et beaucoup d’idées.
Je parle d’espoir et d’un monde plus juste.
Tout le monde m’adore
sauf quelques machos grincheux.
L’avenir est à moi !

Ségolette ! va chercher le lait à la ferme,
gronde la mère-grand,
au lieu de te contempler dans le miroir.
et de répéter sans cesse tes paroles
d’espoir et d’un monde plus juste,
et surtout, méfie-toi du méchant loup !
Le loup !
Si le loup apparaît, je lui décoche
un de mes sourires canons
et il vient en rampant me lécher les bottines.
se dit Ségolette.

Elle prend son pichet et s’en va dans la forêt,
court vêtue et jambes légères,
en sifflotant le dernier tube.
La forêt est belle et profonde,
cachant ses mystères sous les denses
frondaisons d’automne, de bronze et de miel.
A la ferme, tout le monde l’aime bien, Ségolette...
Elle bavarde longuement, comme d’habitude au coin du feu
et déverse ses paroles d’espoir et d’un monde plus juste,
dont elle a le secret.

Le temps passe et la nuit étend son ombre.
Vite, vite, elle remplit son pichet
et reprend le chemin du retour.
Au loin, on entend le loup.
Attiré par le parfum de cette chair fraîche,
il accourt ventre à terre.

Il est là.
Ségolette est courageuse.
Elle lui décoche son fameux sourire canon.
Mais le loup ne bouge pas.
Alors elle tortille un peu du croupion.
Mais le loup se rapproche et ses mandibules
jouent les castagnettes.

Alors, elle parle.
Elle dit que le loup, il est beau, il est gentil.
Qu’ils pourraient faire une bonne paire de bons copains,
Qu’elle lui gratterait la peau du ventre,
Et qu’il pourrait s’instruire soir après soir soir de ses paroles
d’espoir et d’un monde plus juste...etc. etc.

Le loup s’esclaffe.
Effaré, par cette logorrhée, il se bouche les oreilles.
Dépitée, rageuse, Ségolette lui casse son pichet sur le crâne.
Le loup se dresse sur ses pattes arrières et détale dans la forêt,
sautant par dessus les fougères.
tout dégoulinant de lait,
Des nanas comme ça, c’est sûrement indigeste !

Pauvre Ségolette !
Elle s’assied sur une souche, regarde son pichet brisé,
son lait renversé
et pleure comme un bébé.
Pourquoi on ne m’écoute jamais,
quand je parle d’espoir et d’un monde plus juste ?

lundi 20 février 2012

éloge du Xénope



Éloge du Xénope
Dénommé aussi Dactylètre (Xenopus Laevis)

J’aime cette bestiole que certains trouvent immonde.
Evidemment, elle est très loin de réunir les canons esthétiques de Claudia Shiffer.
Une grande gueule dans une tête minuscule, probablement
dépourvue de cervelle, (il n’y a pas de place pour...),
Peut-être une carte mémoire, pour les affaires courantes,
des petits bras en caoutchouc mou, des cuisses de All Blacks
permettant des accélérations de jets, ce qui lui vaut de se cogner
brutalement partout, aucun sens, apparemment aveugle,
pas d’odorat.
Seulement un semblant de sensibilité dans les doigts qui lui permet
de repérer son frichti, quand il n’est pas surexcité au point de
bousculer sa bouffe sans la détecter.
Quand au goût, sa vitesse de déglutition est telle, que j’en doute !
Assez souvent, il cherche à avaler un de ses congénères, lequel se
dégage facilement, puisqu’il n’a pas de dents et que visiblement
ça le dégoûte.
Bref, un con intégral...
Côté positif : Une certaine élégance, quand il se laisse coulé,
en apesanteur dans son aquarium, tous membres écartés.
Une grande résistance et une faculté de prendre des positions
humaines quand il reste debout sur ses pattes arrière.

Il lui arrive d’enlacer un collègue, par derrière, façon grenouille,
mais apparemment il ne se passe rien.
Quand il mue, il se tortille comme une jeune fille qui se déshabille,
mais contrairement à celle-ci, il bouffe sa robe.

Cette sorte de grenouille aquatique d’au-delà des mers
me fascine ! Pourquoi ?
Parce que c’est la vie. La vie à l’état brut.

Un trou en aval...Un trou en amont.
Un minimum d’outils pour remplir le trou aval.
Et au milieu: La VIE.
La vie pourquoi faire ? Pour rien ! Juste pour vivre...
Cette bestiole ne sert à rien, ne fait rien que de guetter ce qui
pourrait remplir son tuyau.

Certains traquent la vie dans ses formes primitives, microbes,
unicellulaires, insectes, etc...
C’est compliqué, parce que leurs structures, leurs moeurs sont compliqués
et défient souvent l’observation scientifique.
Tandis que mes Xénopes, il suffit de les regarder.
Il n’y a pas de mystère, pas de moeurs à étudier, rien de passionnant !
Ils vivent... C’est tout !
Le seul problème est: pourquoi ça existe ?
Si Dieu a créé cette espèce, s’était sans doute un Dimanche de repos.
Il ne s’est pas foulé !
Si d’autres espèces sont des chefs d’oeuvre de sophistication, le xénope
est un modèle de simplicité.
Si l’espèce s’est créée elle-même, pourquoi faire compliqué, puisque
le minimum vital est suffisant !
Peut-être que sa seule apparence dissuade ses ennemis éventuels,
que je ne connais pas.
Au jugement dernier, ils n’auront à répondre d’autres méfaits que
de bouffer des vers et autres petites bestioles...
Il faut bien remplir le trou aval...Et puis ils sont faits pour ça !
Vive le Xénope !